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Eric Hébert, gérant d’ODS : « J’ai décidé de changer de vie en y apportant une valeur plus sociale »

Eric Hébert, gérant d’ODS. Photographie François Charmot

Lorsque MariannEurope m’a proposé un partenariat, j’ai tout de suite accepté l’idée que l’ancien journaliste que je suis pourrait interviewer un invité dans ma boutique, « D’un pavé à l’autre », la bouquinerie que j’ai créée à Louviers. Merci à Eric Hébert, le gérant de l’entreprise d’insertion ODS, implantée à Val-de-Reuil, d’avoir accepté… d’essuyer les plâtres.


François Charmot : ODS. Que signifient ces initiales ?

Eric Hébert : Organisation et développement de services. Nous sommes une entreprise d’insertion dont le cœur de métier est le nettoyage, plutôt dans le tertiaire. L’entreprise a été créée en septembre 1989 par un élu de Val-de-Reuil, Patrice Lefèvre, sous forme associative. Au début, elle ne faisait travailler que trois personnes au nettoyage des groupes scolaires. Aujourd’hui, nous employons une centaine de personnes…

F.C : On n’arrive pas par hasard à la tête d’une entreprise d’insertion ?

E.H : J’avais une entreprise familiale de peinture et revêtement de sols sur le Plateau du Vexin, avec une clientèle de gens aisés, comme le peintre Bernard Buffet par exemple. Le déclic, ça a été l’accueil, au sein de l’entreprise, d’ados issus d’un IMPro. J’ai décidé de changer de vie en y apportant une valeur plus sociale.

F.C : Mais d’où vous venait cette fibre sociale, ce goût des autres ? D’une éducation chrétienne ?

E.H : Non pas du tout. Je tiens cela de mes parents bien sûr, mais j’ai eu une éducation tout ce qu’il y a de plus laïque, avec le travail pour valeur importante, mais aussi le respect de l’autre.

F.C : Alors ?

E.H : Alors, un jour, je cesse mon activité. Je recherche du travail et vois dans l’Impartial une annonce d’emploi de directeur technique de second œuvre du bâtiment. Je postule et obtient le poste. J’arrive donc en février 1991 à ODS, où l’on me demande de prendre la direction. L’analyse de l’entreprise laisse apparaître de grosses lacunes, et l’on me fait confiance pour trouver des solutions permettant de conforter l’entreprise.

F.C : C’est-à-dire ?

E.H : En juillet 1999 par exemple, nous optons pour un statut commercial sous forme de SARL. Au début, ce n’était pas facile face à une concurrence forte, qui ne nous voyait pas comme une vraie entreprise. Puis au fil des ans, les entreprises ont appris à nous connaître, nos relations se sont normalisées, et certaines entreprises du secteur sont devenues de vraies partenaires, qui peuvent employer des salariés déjà formés, au terme de leur contrat chez nous, qui est de vingt-quatre mois maximum. Nous avons augmenté notre clientèle auprès des entreprises rolivaloises, de la CASE, voire un peu plus loin (le cinéma d’Evreux par exemple).

F.C : L’insertion, ce n’est pas forcément évident, dans un milieu concurrentiel ?

E.H : Sur les six premiers mois, la rentabilité d’un salarié est zéro ! Sur chaque prestation vendue, il faut mettre deux salariés. Sur une centaine de salariés, nous avons 40 % d’encadrants. Nous attachons beaucoup d’importance à la proximité et au tutorat. Nous voulons être pour nos salariés, des femmes en très large majorité, la première marche vers une insertion durable. On part des fois de très loin, avec des gens à qui l’on a tellement fait de promesses, et qui ne croient plus en rien… Ils restent chez nous au moins quatre mois, et tous les quatre mois on fait avec eux un vrai bilan. La plupart restent, mais certains changent d’orientation en cours de route. Nous avons par exemple trois anciens salariés qui sont aujourd’hui chauffeurs de bus chez Transbord. Cela aussi nous conforte dans notre mission.

F.C : Comment se présente l’avenir pour ODS ?

E.H : D’une manière sereine. Les marchés sont nombreux, nos clients sont fidèles, le chiffre d’affaires est important. Je viens d’avoir 60 ans, et j’ai prévu d’arrêter à 62 ans. Mais je ne me fais pas de soucis pour ma succession en tant que gérant salarié. On s’oriente vers une solution interne. Tous les encadrants sont actionnaires minoritaires dans la société, l’association présidée par Marie-Jeanne Huré étant majoritaire.

F.C : Quelles sont vos satisfactions ?

E.H : Depuis sa création, ODS a embauché plus de 800 salariés. Pour eux, ce fut un premier pas vers une insertion durable, même si tous n’ont pas retrouvé du travail. Ils ont acquis une formation, ce qui est important en terme d’employabilité. Et puis il y a aussi de belles réussites. D’anciens salariés qui dirigent maintenant leur propre entreprise. Être dans le concret, œuvrer pour améliorer la situation, avoir une vraie reconnaissance de notre travail par les collectivités locales, ça aussi, c’est très satisfaisant.

F.C : Et vos déceptions ?

E.H : La plus grande est que des gens très intéressants n’arrivent pas à trouver du travail.

F.C : Vous qui êtes l’inlassable promoteur de l’insertion estimez-vous que, d’une manière plus générale, l’Economie sociale et solidaire est suffisamment reconnue ?

E.H : En ce domaine, la communication est difficile à faire passer. L’image n’est pas suffisamment professionnelle…

Entretien réalisé par François Charmot dans sa boutique «  D’un pavé à l’autre », 19 rue Tatin à Louviers.

Eric Hébert, Un homme de passion(s)

« Le travail et le respect des engagements » sont les deux passions d’Eric Hébert. Des passions qu’il décline au quotidien, dans sa vie professionnelle, mais aussi dans les milieux associatif et sportif.

Dans le rugby, cet ancien pilier retrouve « solidarité, entraide, respect des valeurs », autant de notions qui lui sont chères, et qu’après avoir déclinées sur le terrain aux Andelys, il inculque aux féminines de l’équipe locale qu’il a créée, et à la section masculine qu’il entraîne depuis peu.

Cet organisateur né a aussi relancé le Moto-Club des Andelys, « sans n’avoir jamais fait de moto », s’amuse-t-il. « Avec Château-Gaillard pour décor, on avait le potentiel de copier l’exemple de Namur et de sa citadelle. » Gendre d’un pilote de rallye, Eric Hébert a « une autre vraie passion » pour le sport automobile, dont il apprécie « la grande solidarité entre les pilotes. »

Sa retraite (dans deux ans) sera « active » : « J’ai toujours essayé de faire ce que j’avais envie, mais sans en avoir le temps. Là je ferai des choses avec ma dernière fille, qui est très attirée par les animaux. » Mais en attendant, il n’a pas le temps de s’ennuyer. Cet amoureux de la nature et des plantes, voue un véritable amour à ses rosiers : « Je leur parle tous les jours. » Il s’adonne aussi à la chasse, plutôt en solitaire, « pour être seul avec mes chiens, et je suis très sélectif sur mes partenaires. »

S’il avoue ne pas lire beaucoup faute de temps, Eric Hébert se souvient d’un livre qui a marqué sa jeunesse : Crin-Blanc. « L’histoire de ce magnifique cheval en Camargue, avec ces immenses espaces. Un livre offert pour Noël par un oncle…»

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