Catherine Kersual, conférencière de ACME 50 : mon métier, ma bataille
Pour celles et ceux pour qui ce ne serait pas clair, dans le métier d’avocat tout comme celui de médiateur, le propos, c’est le conflit. Catherine Kersual, femme d’expérience, maîtrise ces deux facettes. Mais pour chacune d’entre elle, c’est un chemin différent qu’elle emprunte. « Là où la défense par le droit consiste à vouloir gagner coûte que coûte, la médiation prend en compte l’avis des différentes parties » précise-t-elle.
40 années d’exercice comme avocate
Catherine est une Normando-Bretonne qui a grandi à Rouen et prêté serment à Lyon. D’un tempérament tenace et bienveillant, « j’aime aider les gens » confie-t-elle après 40 années d’exercice en tant qu’avocate.
Jeune, elle avait de grandes difficultés à parler en public. De son aveu, elle allait plaider « la mort dans l’âme ». Avec le temps, elle a apprivoisé la prise de parole grâce à ses grandes capacités d’écoute.
Et puis, son caractère, visionnaire et indépendant, lui a donné la force d’avancer. Elle raconte qu’elle a été l’une des premières femmes à créer son propre cabinet d’avocat à Rouen et à s’équiper d’internet.
Aujourd’hui, à l’âge où beaucoup de personnes pensent à la retraite, Catherine, empile avec gourmandise les formations. Sa curiosité est sans limite.
L’aide aux personnes plutôt que les effets de manche
Pour maître Kersual, gagner une affaire n’est pas une fin en soi. Avec la pratique du métier, elle a compris qu’il fallait toujours laisser une porte ouverte devant de possibles évolutions. « Les effets de manche faits pour s’éclater, ce n’est pas pour moi ! » s’exclame-t-elle.
Sa méthode ? Prendre les clients en charge pour eux-mêmes et non pas pour leurs problèmes juridiques. Car souvent, rappelle-t-elle, il y a des enjeux supérieurs aux conflit : « Par exemple, le sort des enfants ou celui des personnes vulnérables qu’il faut protéger ».
C’est dit.
Un droit de plus en plus compliqué
Pour faire face à la complexification du droit, Catherine a eu recours à la spécialisation.
« Je l’ai fait assez tôt : dans le droit de la Famille, des personnes et de leur patrimoine d’abord, puis dans le droit du crédit et de la consommation et maintenant dans le droit de l’environnement »
Au début, parce que ses clients « affrontaient des difficultés financières » témoigne-t-elle. Une issue hélas fréquente dans les affaires de séparation et de surendettement.
Puis Catherine a continué à se former au contact des associations et des institutions. Ainsi, elle est membre de l’association de consommateurs UFC Que Choisir où elle a contribué « par le côté juridique ». Et elle représente les consommateurs depuis maintenant 10 ans au Conseil économique, social et environnemental de Normandie.
Pour cette assemblée qui remplit une mission de consultation auprès des instances politiques de la Région, elle a choisi de se consacrer spécifiquement à deux thèmes : la prospective et le développement économique.
Ainsi a-t-elle présenté le rapport de prospective sur la Normandie en 2040. Et eu l’honneur, en octobre 2021, d’en partager les conclusions devant un parterre de restaurateurs, hôteliers et directeurs de musée afin de « préparer le terrain pour un tourisme vert, ouvert et connecté ».
https://ceser.normandie.fr/sites/default/files/2021-07/tourisme_synthese_vf_web_0.pdf
Puis elle a travaillé sur le devenir des entreprises normandes : « Il y a beaucoup d’aspects à étudier comme « La filière du lin », « les mobilités », « la RSE », « La transition écologique » » témoigne-t-elle.
La médiation, une autre façon d’aborder le conflit
La médiation a ouvert d’autres perspectives dans la pratique de la résolution des conflits. Plus rapide et moins coûteuse. Au barreau de Rouen, un groupe d’avocats avait créé un centre de médiation dès les années 2000.
Catherine s’y est intéressé dès lors qu’il a fallu trouver des solutions dans les situations de coparentalité issues des séparations traversées par des clients.
La médiation est une méthode qui s’applique aussi bien aux personnes qu’aux entreprises. Le médiateur est celui qui organise le processus.
« Dans ce processus relate-t-elle, je suis neutre, c’est-à-dire ni pour les uns, ni pour les autres. J’organise les rencontres, je donne le cadre, j’amène à la solution commune ».
C’est précisément le thème développé dans la conférence qu’elle propose sur le catalogue de conférenciers ACME 50 (1).
« Je suis avocate et médiatrice explique Catherine, mais quand on est avocat, on n’est pas médiateur et quand on est médiateur, on est plus avocat. On fait l’un ou on fait l’autre. »
Coconstruire pour que chacun y trouve son compte
Pour Catherine, « quand on est avocat, on est là pour emporter la cause du client, même si on commence toujours par proposer à l’autre partie une transaction amiable. Aujourd’hui, il faut avoir conscience qu’en moyenne, une procédure dure 3 ans. C’est pourquoi je cite souvent cet adage : « Un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès ». En effet, tu peux gagner ton procès et constater que tu as dépensé tellement d’argent dans la procédure, qu’au final ça ne t’a pas rapporté grand-chose. »
Et d’insister : on n’est pas aux Etats-Unis où les compensations financières sont à une autre échelle.
Essentiellement de l’accompagnement
Catherine a donc résumé sa fonction par ce slogan : « Vous accompagner jusqu’à la reconnaissance de vos droits ». Elle n’est pas certifiée coach. Mais elle reconnait volontiers qu’il il y a un côté coaching dans son métier.
Avec cette façon de faire, la reconnaissance est souvent là : « Ça fait très plaisir à mes anciens clients de me croiser au super marché. Ils voient aussi que je suis une personne normale. »
Avec le Covid, les usages changent
Conséquence de la pandémie, le distanciel s’est introduit dans la pratique du métier : rendez-vous au téléphone, réunions en visioconférence, secrétaire en télétravail et mesures barrières strictement appliquées.
Malgré tout, Catherine s’intéresse à son futur. Avec des envies d’accueillir quelqu’un de plus jeune dans son cabinet, de s’associer et de transmettre l’outil de travail. « Tant que je travaille, je développe ».
Cheffe d’entreprise dans l’âme, elle s’intéresse aux nouveaux sujets.
Une réflexion sociétale
« Dans mon syndicat professionnel, on est en train de plancher sur les réformes que nous préparent le gouvernement ; au sein de mon Barreau, je travaille avec des confrères à la mise en place d’accueil des familles d’enfants en situation de handicap confie-t-elle. Mon travail n’est pas seulement un travail, c’est aussi une réflexion sur la société. »
Dans ce mouvement sociétal perpétuel, Catherine se dit satisfaite. Passer du droit à la négociation, défricher, transmettre, la ravissent.
« Avocate ou médiatrice, ce qui est fondamental dans ces deux métiers, c’est l’écoute et le respect » conclue-t-elle soucieuse de maintenir son cap.
Marianne Rolot, le 13/01/2021
(1) « Pourquoi la crise de la Covid a amplifié les modes doux de règlement des conflits ? »