“De plus en plus, dans cette période de contrainte budgétaire, les décideurs publics souhaitent mesurer l’utilité des dépenses publiques”
Interview réalisée par Marianne Rolot
- Bonjour Angélique, quand on vous regarde, on a le sentiment d’avoir affaire à une jeune femme qui ne vieillit pas. Quel âge avez-vous et combien d’années de carrière comptez-vous derrière vous ?
Bientôt 40 ans et une quinzaine d’année d’expérience professionnelle.
- Quels métiers avez-vous déjà exercés ?
Je suis fonctionnaire territoriale et depuis peu docteure en sciences économiques et associée au laboratoire CREAM de l’Université de Rouen.
- Vous travaillez à présent pour l’Insee. En quoi consiste votre fonction ?
Je suis responsable du pôle des statistiques dans le champ des politiques sociales (éducation, emploi, santé, démographie…) au sein du Conseil national de l’information statistique.
- Il y a un an environ, vous avez soutenu dans la cadre d’un doctorat en sciences économiques une soutenance. Pouvez-vous nous parler simplement de vos travaux ?
Mon terrain de recherche était le suivant : il s’agissait d’appliquer la méthode d’évaluation contingente au sein des politiques éducatives territorialisées. Cette méthode issue de l’environnement a pour objectif de déterminer un prix à un bien public non-marchand. Ces axes de recherche me permettent de mieux enrichir le travail de terrain mais également de mieux répondre aux attentes de terrain.
- Vous travaillez sur l’évaluation des politiques publiques, un sujet peu connu des français et pas très vieux non plus. Quel rôle l’Europe et les organismes internationaux ont-ils joué dans la mise en place de ces actions ? Comment les Français y sont-ils associés ?
La France n’a pas une culture de l’évaluation même si depuis les recommandations de l’Europe, elle développe ce type de démarche. L’Europe incite les pays membres à mieux maîtriser le coût des biens publics. Le traité de Maastricht parle de lui-même. De plus en plus, dans cette période de contrainte budgétaire, les décideurs publics souhaitent mesurer l’utilité des dépenses publiques. Il est donc nécessaire qu’ils se dotent de méthodes d’évaluation pour les aider à prendre une décision. Mes recherches vont dans ce sens.
- Vous êtes élue de la commune de Pont de l’Arche, et donc en contact à la fois avec ceux qui fabriquent les politiques publiques et ceux qui en sont les usagers. En quoi votre formation d’économiste vous a influencé dans vos propositions et réalisations au plan local en direction des uns et des autres ?
Je suis vigilante à ce qu’il y ait une corrélation entre ce qu’attendent les décideurs publics mais également les besoins des citoyens. Si je prône la bonne gestion budgétaire, je dénonce l’austérité. Il y a des économies à faire mais pas au détriment des services publics. L’utilité doit donc être sociale non axée sur les préférences individuelles.
- Les politiques éducatives sont votre spécialité. Quels sont à votre avis les points à améliorer ?
L’égalité des chances ne doit pas prôner la discrimination positive au risque de stigmatiser une partie de la population. L’éducation est un droit où chacun doit pouvoir y trouver sa place à tous les niveaux. Il n’y a pas une petite porte mais une grande ouverture au service de la Nation. La richesse intellectuelle est partout, non dans des castes.
- Avez-vous des maîtres à penser en économie ? Et en politique ? Que vous ont ils appris ?
Mon sujet de thèse est très orthodoxe, mais je suis hétérodoxe. L’économie ne s’explique pas uniquement par le chiffre. D’autres sciences sociales et humaines ont leur place. J’aime beaucoup les travaux de Jean Gadrey économiste que j’ai eu plaisir de rencontrer mais également Pierre Bourdieu voire les économistes qui travaillent autour de l’économie du bien-être. Mais, mes directeurs de thèse m’ont également porté dans le monde de l’économie et de la sociologie. J’ai beaucoup été inspirée par le charisme et l’intelligence de François Mitterrand.
- Quelles relations faites-vous entre les sciences économiques et la politique ?
Un lien très étroit. L’arbitrage politique est beaucoup plus fort que les préconisations économiques. Les enjeux sont énormes. Pourtant, l’économie devrait être au centre de l’arbitrage. Il devrait y avoir plus d’économistes parmi les politiques.
- On imagine mal qu’un laboratoire puisse faire de la recherche en économie, c’est pourtant ce que vous faites. Sur quoi portent vos recherches ? Concrètement que vous conduisent-elles à tester ou à vérifier ?
Mes travaux de recherche portent sur l’évaluation des politiques publiques, le consentement à payer, l’analyse coût et bénéfice, la gouvernance multi-niveaux.
- Comment êtes-vous arrivée à la politique ? Souhaitez-vous continuer ? Avez-vous des ambitions ? Lesquelles ?
L’investissement dans l’espace public au contact de la citoyenneté m’a toujours attiré ; Mon engagement politique à Pont de l’Arche est très fort. J’ai vécu mon enfance à Pont de l’Arche, j’y suis revenue avec l’envie d’y proposer des actions pour le bien être des Archépontains. Pour la suite, rien ne se perd, tout se crée.
- La vie n’épargne pas toujours, les difficultés personnelles peuvent s’immiscer dès le plus jeune âge… ou pas. Qu’en a-t-il été dans votre cas précis ?
La vie n’est pas un long fleuve tranquille… L’éducation qui m’a été donnée est toute ma force.
- Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous ?
L’individualisme !