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Claudine Deslandres, Provalence : « L’importance des efforts à consentir est en adéquation avec l’ambition de l’objectif que l’on se fixe et l’enjeu auquel on le rattache… »

Les secrets de Claudine, coach certifiée

Claudine Deslandres a créé l’activité de coaching professionnel Provalence. Installée à Louviers, en Normandie, elle raconte à la fois son parcours professionnel et sa migration vers ce nouveau métier qui décèle plus d’un secret.


Marianne Rolot : Bonjour Claudine, vous êtes coach professionnelle, vous avez créé l’activité Provalence. Provalence fait penser au slogan de L’Oréal, «Parce que je le vaux bien», est ce un clin d’œil ? Cette activité fait-elle suite à un «traumatisme ? Il y a-t-il un engagement féministe de votre part ?

Je voulais intenter un néologisme dont les sonorités évoquent les notions de PROgrès et d’excellENCE. Provalence, c’est un PROcessus PROfessionnel qui s’appuie sur les VALeurs, afin de VALoriser ses compétENCEs, de prendre consciENCE de sa polyVALENCE, de PROmouvoir ses performaNCEs, de monter en puissaNCE…

Comme c’est le cas pour beaucoup d’autres coachs professionnels, il s’agit pour moi d’une deuxième partie de carrière. Après 25 ans de marketing et de communication, j’avais l’impression de ne plus rien apprendre et de ne pas utiliser suffisamment les acquis accumulés au fil  expériences passées. Je savais que mes compétences seraient mieux employées si je les mettais au service d’un projet qui aurait pour moi davantage de sens que de créer un énième plan de communication pour des clés USB fabriquées à l’autre bout du monde. Par ailleurs, je ne me sentais pas à l’aise avec certains modes de management, dont je constatais les limites ; traumatisme n’est pas le mot, toutefois je désirais sensibiliser les dirigeants à des modes de management et de communication différents, et accompagner leur démarche s’ils souhaitaient les mettre en place en entreprise. C’est pourquoi, après avoir initié une rupture conventionnelle, j’ai choisi de changer de voie et ai suivi une formation certifiante en coaching.

Mes clients sont aussi bien des hommes que des femmes, car l’engagement qui est le mien concerne l’accompagnement des personnes en général sur l’évolution de leurs thématiques professionnelles. Or, il se trouve qu’un homme sur deux est une femme… et celles-ci éprouvent parfois des difficultés à se positionner dans le monde de l’entreprise. Trop souvent, elles sont encore prisonnières de stéréotypes qui les freinent dans leurs prises de décisions ou leur évolution de carrière. Quand elles révèlent leurs talents, quand elles osent davantage : cela les fait progresser, et cela fait progresser également leurs collègues ainsi que l’organisation qui les emploie. Et, lorsqu’elles sont à des postes de direction et qu’elles s’affranchissent des codes masculins, elles apportent une complémentarité dans leur façon d’exercer leurs fonctions. S’il y a « engagement » de ma part, il est plutôt orienté vers la promotion de la mixité en entreprise, pour le plus grand bénéfice non seulement des dirigeantes ou des collaboratrices, mais aussi de leurs pairs et de leurs collaborateurs, ainsi que des organisations pour lesquelles elles travaillent et qui parfois se privent de tout le potentiel qu’elles représentent. C’est dans cet esprit que je suis aussi Business Coach Associée chez Graines de Succès.

M.R.: Question classique : Qu’est-ce qui vous a convaincu de devenir coach à la cinquantaine ? Beaucoup d’anciens cadres veulent devenir coach, que faut-il comprendre ?

Je ne sais pas si beaucoup d’anciens cadres souhaitent s’orienter vers le coaching, mais je constate en effet que, parmi les coaches actuels ou en devenir, la proportion d’anciens cadres est importante.

Peut-on devenir un bon coach à 20 ans, et sans avoir vécu le monde de l’entreprise de l’intérieur ? je n’en suis pas certaine. Je crois qu’il s’agit d’une profession dans laquelle l’expérience est cruciale. Pour la plupart d’entre nous : arrivés à la cinquantaine, nous avons connu une bonne quantité de situations complexes, avons traversé plusieurs changements profonds dans notre environnement, nous avons fait évoluer nos convictions et remis en question nos habitudes ainsi que nos comportements – aussi bien dans nos parcours professionnels que dans nos vies privées. Nous avons dû prendre des décisions face à des choix parfois délicats. Tout ceci nous confère maintenant une vue plus large sur les situations que traversent nos clients : au fur et à mesure que nos certitudes rétrécissent, nous élargissons notre conscience !

Le fait d’avoir travaillé pour des organisations différentes au cours des années passées m’a amenée à connaître les difficultés et les opportunités liées à l’encadrement des équipes ainsi qu’aux relations entre collègues ou partenaires, ce qui me permet de saisir rapidement les problématiques liées aux comportements en entreprise. Au fil des années, le contexte évolue, les modes de management aussi dans certains cas, cependant les relations interpersonnelles suivent souvent les mêmes schémas… et l’être humain reste le même, au fond : avec ses capacités de s’enthousiasmer et d’agir en se projetant dans le futur, ou bien de résister au changement en se braquant sur ses positions par exemple.

M.R.: Avez-vous été coachée, dans quelles circonstances et avec quels bénéfices ? A quelles actions concrètes cela vous a-t-il conduit ?

Oui bien sûr ! C’est d’ailleurs une étape nécessaire au cours de la formation, ainsi que pour valider la certification. Par la suite, pour maintenir la certification, les coachs s’engagent à suivre une supervision régulière par un coach plus expérimenté.
Le coaching représente pour moi une réflexion en mode miroir, qui m’a permis de mieux me connaître, et qui me permet maintenant d’aller plus vite à l’essentiel, d’identifier plus clairement les opportunités, de prendre conscience des points de blocage et d’envisager de nouvelles solutions. Cela m’a permis d’affiner mes objectifs et mon positionnement, de lever les doutes, car cela m’a encouragée à me poser les bonnes questions au lieu de consacrer du temps à tourner en rond sur des interrogations qui reviennent en boucle. Pour mon démarrage en tant qu’indépendant, cela a représenté un grand coup d’accélérateur.
Ce qui est particulièrement agréable : entre coachs, nous avons les mêmes références et utilisons le même vocabulaire.

M.R.: Je vous rencontre sur les différents événements normands, vous êtes toujours présente et donc très active sur le territoire. Comment et où se déploie votre activité ?

Mon activité professionnelle se déploie partiellement en région parisienne, qui est ma région d’origine, et de plus en plus en Normandie, qui est ma région d’adoption. Mes activités au sein de la Fédération Internationale de Coaching m’emmènent souvent à Caen, et la plupart de mes clients sont maintenant à Louviers, Rouen, Évreux ou le Havre.
Le fait d’être davantage présente sur plusieurs événements à proximité de Louviers me permet de recentrer maintenant mon périmètre d’action dans un rayon plus proche de chez moi.
J’interviens dans les locaux de l’entreprise, ou bien dans des tiers-lieux comme les espaces de coworking ou bien une table tranquille dans une brasserie ou un patio d’hôtel. À la belle saison, les clients apprécient aussi d’aller s’asseoir sur un banc dans un parc, ou bien de pratiquer le « coaching en marchant », ce qui donne des résultats surprenants. Et, lorsque je travaille avec les particuliers, nous nous retrouvons sur des lieux neutres, hors de leur domicile. Enfin, pour les clients éloignés ou pour intercaler une séance entre deux rencontres physiques, je travaille parfois par Skype ou téléphone.

M.R.: Votre ancien métier dans le marketing vous sert-il ? De quelle façon ?

Je continue à pratiquer l’essentiel de mon précédent métier : la communication. La différence, c’est que maintenant je la mets au service d’une activité plus intéressante et qui pour moi revêt davantage de sens, puisque je travaille avec l’humain. Quant à mon expérience en marketing, elle m’est utile pour développer moi-même mes supports de communication ou mon site internet, pour organiser des événements ou lorsque je participe à des salons professionnels.

Mon expérience professionnelle passée m’a également rodée à la prise de parole en public, à la conception de présentations ou à l’animation de réunions, à l’organisation d’événements à destination de publics très variés ! Je suis heureuse non seulement d’utiliser ces compétences lorsque j’anime une conférence ou un atelier, mais aussi de les partager lorsque j’interviens en tant que formatrice.

Cette expérience, je propose de la transmettre aussi dans le programme que je construis pour aider les personnes qui envisagent une activité indépendante à se lancer, car ils ont souvent besoin de compléter leurs connaissances pour identifier leurs cibles et développer correctement leur communication.

Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de travailler dans une entreprise avec des collègues de 25 nationalités différentes, répartis du Canada à Singapour, des USA à la Nouvelle-Zélande en passant par plusieurs pays d’Europe ou du Moyen-Orient : cela fut pour moi une ouverture à la diversité, très formatrice.

M.R.: Vous êtes présidente de l’Antenne Normandie de la Fédération internationale de coaching (ICF) et membre de l’Associate Certified Coach ACC. En voilà une impressionnante carte de visite. Quel est l’intérêt de ces organisations, qu’apportent-elles et que leur apportez-vous ? Quelles sont les compétences que vous maîtrisez ?

ACC signifie Associate Certified Coach, ce qui indique que je suis certifiée non seulement par l’école qui m’a formée mais aussi par l’International Coach Federation, qui réunit 30000 coachs répartis dans 140 pays, ce qui la place comme la plus importante fédération de coachs au niveau mondial aussi bien qu’en France. ICF a comme mission de faire connaître et promouvoir le coaching, et pour cela s’appuie sur quatre valeurs clés : Intégrité, Respect, Collaboration, Excellence. Nous accordons beaucoup d’importance à la professionnalisation de notre métier : le fait d’être certifié ICF signifie que j’approuve et pratique le référentiel des 11 compétences de base du coaching qui constituent le socle de notre pratique, que j’adhère à un code de déontologie et que je m’engage à compléter mes connaissances régulièrement. Pour les clients, le fait de choisir un coach certifié ICF est un critère qui les aide à sélectionner leur intervenant, car cela leur garantit le fait que leur coach ait suivi une formation de qualité, qu’il soit vigilant quant à l’éthique et qu’il s’engage sur une formation continue.

ICF s’intéresse aux nouveaux modes de gouvernance et utilise notamment la sociocratie dans son fonctionnement. Pour donner un exemple : le président d’antenne est choisi selon un processus d’élection sans candidat. Je coordonne actuellement les activités des coachs ICF sur les 5 départements normands, en liaison avec les équipes ICF France que je rencontre régulièrement à Paris ou en visio-conférence. ICF France organise des partenariats, des commissions d’étude ou de professionnalisation, des rencontres d’envergure locale ou bien ou nationales, dont certaines réunissent plusieurs centaines de participants et au cours desquels interviennent non seulement des coachs de dimension internationale, mais aussi des chefs d’entreprises, des philosophes, des économistes ou des élus.

Ma mission en tant que présidente d’antenne : informer et soutenir les adhérents ICF, créer des interactions entre coachs afin de favoriser les apprentissages et encourager la certification, et faire connaître le coaching auprès des professionnels ainsi que du grand public : par exemple en proposant des conférences, en mettant en place des partenariats ou bien en offrant des flash-coachings lors des événements que nous organisons lors de la Coaching Week qui a lieu tous les ans au mois de mai.

M.R.: Il y a encore dix ans, le métier de coach n’existait pas en France. Que s’est-il passé ? S’agit-il comme dans bien des cas de l’influence américaine avec 20 ans de retard ?

Il y a dix ans, le mode de vie n’était pas le même et les organisations ne fonctionnaient pas de la même façon. Depuis les années 90 qui ont marqué les débuts d’internet, puis l’accélération que nous connaissons surtout depuis 2007 : internet et les réseaux sociaux ont changé le monde, raccourci les distances ainsi que les délais et modifié profondément les relations commerciales. Les dirigeants doivent revoir leur vision et ajuster leurs projections plus fréquemment, on exige davantage d’adaptabilité et d’anticipation de la part des managers – quant aux collaborateurs, ils devront eux aussi se reconvertir plusieurs fois au cours de leur parcours professionnel. L’accès à la connaissance s’est démocratisé et simplifié, ce dont il convient de se réjouir, et en même temps nous sommes bombardés d’informations en quantité tellement abondante que cela nous conduit au bord de l’infobésité, ce qui ajoute parfois à la confusion en compliquant nos modes de réflexion et de prise de décision.

Depuis dix ans, de nombreux métiers ont quasiment disparu, d’autres ont émergé : community manager, pilote de drones, installateur de bornes de recharges pour voitures électriques ou monteur d’éoliennes, prof de zumba, « nez » ou chimiste pour l’assemblage de senteurs destinées aux cigarettes électroniques … D’ailleurs les études prétendent que, parmi les métiers qui seront les plus demandés en 2030, 6 sur 10 n’existent pas encore.

Dans ce contexte d’un environnement devenu VICA (volatil, incertain, complexe et ambigu), il n’existe plus de certitudes ni de voie toute tracée : les organisations doivent s’adapter à de nouveaux codes, créer de nouvelles techniques, aller un cran au-delà pour prendre le lead – ou tout simplement pour rester en course, ré-inventer perpétuellement leur relation client… et s’appuyer sur les savoir-faire et les savoir-être de leurs salariés. Les carrières aussi se composent autrement, sur un mode non linéaire. C’est pourquoi le coaching occupe une place de choix en tant que processus d’accompagnement au changement et que la formation continue devient plus que jamais essentielle.

La trace de l’influence américaine, je la retrouve dans le changement de posture de la part de mes clients, dans le fait qu’ils aient désormais adopté le coaching comme une prestation devenue courante à laquelle ils peuvent avoir recours pour accompagner leur progression ou accélérer leurs projets. En France, Il y a encore quelques années, s’adjoindre les services d’un coach cela se faisait avec une certaine discrétion, comme si cela révélait une sorte de défaillance de connaissances ou un déficit de confiance en soi – donc un aveu de faiblesse. Les dirigeants ont maintenant compris que leurs managers, collaborateurs ainsi qu’eux-mêmes ne peuvent être excellents en tout, et ils acceptent volontiers le fait que des professionnels qualifiés peuvent leur faire gagner un temps et une énergie considérables, non seulement pour participer à la résolution de leurs problèmes, mais aussi pour améliorer leur communication ou faire avancer des projets qui stagnent – ou tout simplement apporter une clarification avant une prise de décision, débloquer une situation, ouvrir de nouvelles perspectives.

Dans ce monde devenu VICA, on constate aussi une tendance de fond : celle qui consiste à consacrer de l’attention et des moyens non seulement à accroître la rentabilité ou la productivité immédiates, mais aussi et surtout à maintenir et améliorer la durabilité, ce qui nous incite à donner du sens à nos engagements professionnels et à porter davantage de considération aux personnes humaines en leur permettant d’acquérir plus d’autonomie et de responsabilités dans leurs activités, pour le plus grand bénéfice des individus aussi bien que des organisations qui les emploient.

Enfin, le métier se professionnalise. Le titre de « Coach professionnel » est désormais inscrit au RNCP, et on ne peut s’en prévaloir que si l’on a suivi une formation reconnue. Les dirigeants sont désormais convaincus de l’appui que le coaching représente pour eux et pour leurs organisations ; quant au grand public, il commence à faire la différence entre un coach professionnel et un psy ou un conseiller et se méfie des personnages providentiels qui s’improvisent coachs – et dont heureusement l’influence décroît, au bénéfice de professionnels qualifiés.

M.R.: Certains penseurs, polémistes, associent le coaching à une forme de manipulation notamment lorsqu’elle est proposée par les entreprises. Quelle est votre analyse sur ce sujet ?

Ma position se résume à un axiome très simple : « Pas de demande, pas de coaching. »
C’est-à-dire que le coach ne peut intervenir efficacement qu’en collaborant avec des individus qui sont demandeurs, ou bien qui au moins adhèrent au processus, ou qui en perçoivent le bénéfice que cela pourra leur procurer dans leur activité professionnelle aussi bien que pour leur développement personnel.

Lorsqu’une entreprise propose un coaching à un collaborateur : le plus souvent, ce n’est pas pour pointer son manque de compétences ni pour le mettre en difficulté, mais bien parce que l’entreprise parie sur ses compétences et souhaite le faire monter en puissance afin de l’aider à accomplir sa mission ou à relever de nouveaux défis. Je rencontre le commanditaire, puis le bénéficiaire, et si nous sommes d’accord alors je propose un contrat tripartite qui nous engage mutuellement. Avec le donneur d’ordre, je maintiens un lien commercial, et avec le coaché je crée un lien de collaboration ; au donneur d’ordre, je rends compte de l’avancement sur l’objectif mais jamais du contenu des séances.

Si la demande n’est pas claire, ou bien quand le coaching est censé venir camoufler des motivations ou des comportements managériaux qui sont plutôt éloignés de l’intention de faire progresser les collaborateurs, alors cela ne peut pas fonctionner.

Ensuite, tout dépend ce qu’on entend par « manipulation ». Selon moi, la manipulation consiste à interagir avec autrui sans dévoiler explicitement le but qu’on souhaite atteindre. Lorsque l’intention est bienveillante, cela ne me pose aucun problème de parler de « manipulation » (après tout, c’est souvent ainsi que nous procédons lorsqu’il s’agit d’éduquer nos enfants). En revanche, lorsque l’intention est malveillante, là il y a clairement un souci, qui heurte mes convictions et à laquelle je ne peux pas m’associer.

Donc je conçois le coaching comme une collaboration, et non comme une trahison – même s’il y a parfois, je dois l’admettre, une légère trace de « manipulation » lorsque j’utilise des méthodes indirectes pour amener mon client à des prises de conscience…

M.R.: On doit vous demander souvent quelle différence entre le métier de coach, de psychologue ou de psychanalyste, profiler … Etes-vous amenée à vous faire analyser dans le cadre de votre pratique comme le conseille François Délivré dans «Le métier de coach» ?

À la différence d’un thérapeute, je ne prétends soigner personne. Je n’ai pas de « patients », mais des « clients ». Et, s’il nous arrive d’aborder le passé, c’est dans l’intention de comprendre le présent, et d’en tenir compte pour mieux agir dans l’avenir. Le coaching est toujours orienté solution. Les personnes avec lesquelles je collabore ne sont pas malades, d’ailleurs la plupart n’ont pas vraiment ce qu’on appelle des « problèmes » : simplement ces personnes traversent une période de doute, ou d’inconfort, ou bien elles tournent en rond sur une interrogation, ou bien elles peinent actuellement à mobiliser leur énergie sur un projet qui pourtant leur tient à cœur, ou bien elles sentent qu’elles pourraient accomplir de plus grands desseins mais ignorent encore lesquels et comment. Mon intervention leur fait gagner du temps en les conduisant à l’essentiel et leur permettant de reprendre la main sur leur motivation.
Je crois qu’on ne peut pas exercer correctement ce métier sans une profonde remise en question et un vrai travail sur soi-même, car :

D’une part, un coach est amené à recevoir quantités d’informations sur les personnes et les organisations avec lesquelles il travaille, donc il doit considérer avec sérieux les principes de neutralité et de confidentialité.

D’autre part, il est aussi amené à rencontrer toutes sortes de personnalités et de situations dont certaines peuvent paraître incroyables, et les clients expriment souvent des émotions dont certaines peuvent être touchantes, voire bouleversantes.

C’est pourquoi il est vraiment nécessaire d’apporter beaucoup d’attention à ce qu’on nomme l’écologie ou l’hygiène du coach : je dois rester une sorte de terrain propre et neutre pour que mes propres réactions et émotions restent discrètes et ne portent pas atteinte à mon jugement, ni aux interactions durant la collaboration. Cela exige de ma part une bonne connaissance de moi-même, un entraînement pour être en capacité de rester sur les faits et éviter les interprétations, la faculté d’accueillir convenablement les émotions d’autrui, ainsi qu’une adhésion inconditionnelle au code de déontologie afin de protéger les intérêts de mes clients.

Ce qui m’amène à souligner l’importance pour un coach de ne pas rester isolé, d’adhérer à une fédération comme ICF, de rencontrer souvent ses pairs, d’appartenir à un groupe de co-vision et de se faire superviser.

M.R.: La coach doit il attendre un retour de ses séances ? Il y a-t-il réussite ou non réussite dans une action de coaching ? Quel exemple pouvez-vous citer dont vous êtes fière ?

Je suis fière de mes clients et de ce qu’ils accomplissent ; je suis satisfaite de la qualité de mon travail, même si j’ai l’impression que je n’ai pas à tirer de fierté particulière.

Le coach est tenu de mettre en place les conditions adéquates pour stimuler la réflexion de son client, favoriser les prises de conscience et le passage à l’action. Un des parcours de coaching classique consiste à définir un objectif, explorer le contexte, recenser les freins et obstacles, les opportunités et les ressources, puis conduire le client à élaborer les étapes qui lui permettront d’atteindre l’objectif, l’encourager à mettre en œuvre ces actions et assurer leur suivi. Pour cela, le coach dispose de toutes sortes de techniques, il peut utiliser le questionnement, prescrire des exercices ou des tâches à réaliser, s’appuyer sur ce qu’on appelle des « outils ». Pour établir un parallèle : l’artisan compétent n’est pas toujours celui qui a accumulé le plus grand nombre d’outils, mais celui qui sait quel outil utiliser à bon escient…

On parle de succès lorsque l’objectif est atteint, que l’on a pu mesurer la progression grâce à des critères de réussite convenus ensemble au début de la collaboration et que le client est satisfait du résultat obtenu. De mon point de vue, la réussite appartient au coaché davantage qu’au coach. Le coach représente l’élément extérieur qui impulse, qui guide, sécurise et encourage, qui « manipule » parfois un de ses outils, mais c’est bien le client qui effectue le parcours !

Une de mes clientes m’a particulièrement bluffée par sa rapidité de compréhension et son audace, passant en six séances de la position de « victime résignée » à celle d’acteur de son propre changement, et de façon spectaculaire : suite à des incompréhensions avec sa hiérarchie, elle s’était en quelque sorte réfugiée dans son propre sabotage de ses possibilités et entretenait une sorte d’inaction qui au fond était assez confortable pour elle. Dès qu’elle a clarifié les enjeux et pris conscience de ses contradictions, elle a totalement changé de comportement et assumé son évolution dans l’entreprise, accédant ainsi à un niveau de responsabilité supérieur qu’elle était tout à fait habilitée à exercer !

M.R.: Vous est-t-il arrivé de «coacher» un chef d’entreprise ou un élu avec des conséquences pratiques sur la conduite de son activité par exemple dans le cas d’un plan social, d’un recrutement, ou d’un projet de développement ? Et dans ce cas, comment cela se passe-t-il ?

J’ai accompagné un dirigeant à la tête d’une activité plutôt prospère, qui avait engagé et déployé un projet de développement important, mais se heurtait depuis à de la résistance et de la désorganisation, à tel point qu’il doutait de la pertinence de l’option qu’il avait choisie : il en était arrivé à ne plus savoir comment manager ses collaborateurs et se posait la question de la pérennité de son entreprise. L’essentiel du travail que nous avons effectué ensemble a consisté à affiner sa posture de dirigeant. En rétablissant ses priorités, il a pu définir une ligne de conduite claire – et le fait qu’il ait indiqué et maintenu le cap a aidé ses collaborateurs à adhérer au projet.

M.R.: Comment ne pas se sentir surpuissant dans ces conditions ? De quelles précautions le coach s’entoure-t-il pour toujours rester dans son rôle ? Comment met-il à jour sa formation ?

Ce n’est pas moi qui devient puissante, ce sont les clients, lorsqu’ils saisissent mieux les tenants et aboutissants, qu’ils ont une vision claire et qu’ils engagent des actions qui leur procurent des résultats.

Le coach apporte une attention particulière à sa posture, qui n’est pas celle d’un conseiller ni d’une éminence grise. Quand le cadre de la collaboration est clairement énoncé et que le coach veille à respecter sa posture, il reste dans les limites de son champ d’action. Je reviens sur l’importance de l’hygiène du coach, de la supervision, de la co-vision, des groupes d’échanges de pratique. Pour maintenir la certification, ICF exige que le coach acquière au minimum 40 CCEU (Continuous Course Education Unit) tous les trois ans, ce qui implique de suivre des programmes de formation et de participer activement à des rencontres ou des séminaires.

M.R.: Quels sont tes objectifs personnels dans votre activité ? Cette activité se suffit-elle ou doit elle être complétée ?

Je suis heureuse d’exercer maintenant un métier qui a du sens pour moi et dans lequel les contacts humains sont au cœur du sujet. Cela entretient mon intérêt, stimule ma curiosité et élargit mon ouverture d’esprit, car cette profession procure de nombreuses occasions d’apprentissage. Un coach peut apprendre sans cesse, et de multiples manières : en participant à des formations et en lisant des ouvrages, bien entendu, mais aussi et surtout au contact de ses pairs ainsi que de ses clients.

En ce qui me concerne, j’aime la diversité donc j’exerce des activités complémentaires : il m’arrive d’animer des journées complètes pour des équipes qui souhaitent travailler en intelligence collective sur un projet commun ou stimuler leur créativité, d’intervenir en facilitation d’échanges ou de résolution de conflit. J’anime des groupes de co-développement professionnel : un processus qui combine coaching et consultation. Enfin, j’interviens en tant que formatrice sur des thématiques comme la prise de parole en public, la confiance en soi, la gestion du temps, la cohésion d’équipes, la communication. Je suis bénévole chez Force Femmes où j’anime des ateliers, et j’accompagne des mini-entreprises pour Entreprendre pour Apprendre.

Enfin, j’aime aussi écrire et transmettre, ce qui m’a incitée à écrire un livre et à projeter d’en rédiger un deuxième !

M.R.: Qui sont vos clients, combien en avez-vous ? Et comment faites-vous évoluer la pratique en fonction des résultats ? Etes-vous toujours sur de l’individuel ou évoluez-vous aussi sur des actions collectives ?

Des entreprises, des associations ou des collectivités font appel à moi. Parfois des artisans commerçants, ou bien des indépendants qui veulent créer leur activité et qui hésitent à se lancer. J’aide aussi des particuliers, le plus souvent sur leurs thématiques d’évolution professionnelle ou de prise de décision. Le nombre de clients est fluctuant : en effet, la particularité de ce métier, c’est que, lorsque le client a atteint son objectif, une mission se termine ! même si, bien entendu, nous pouvons poursuivre la collaboration en partant sur un nouvel objectif. Il m’arrive que des anciens clients me rappellent, plusieurs mois après la fin de notre collaboration, afin de travailler ensemble sur une nouvelle thématique ou bien pour animer une formation à destination de leurs collaborateurs. Pour certains clients j’interviens une seule fois, pour d’autres nous collaborons au cours d’un accompagnement qui durera plusieurs mois. Dans ce cas, un lien spécial se crée, ce qui est très agréable et produit des effets à long terme.

Pour moi il n’y a pas de « petit » client ; je sais que chacun de mes clients, lorsqu’il fait appel à moi, est en train de traverser une étape qui est importante pour lui (ou pour l’organisation pour laquelle il travaille), donc est en droit d’attendre de ma part une attention et une qualité d’intervention qui soit équivalente pour un « petit » comme pour un « gros » contrat.

Je travaille avec les individus et aussi les équipes. Deux personnes, c’est déjà une équipe ! Par exemple j’accompagne actuellement deux jeunes femmes qui partagent un projet professionnel commun et qui souhaitent mieux le définir et en saisir toutes les implications, décider ensemble des étapes nécessaires pour faire évoluer favorablement leur activité. Et bien entendu je m’adapte lorsqu’il s’agit de coacher des groupes plus larges.

Le plus important est de définir correctement l’objectif, de poser le cadre de l’intervention et de bâtir une relation de confiance réciproque ; ensuite, j’adapte mes méthodes de coaching en fonction du contexte, de la façon dont l’interaction se met en place. Chaque cas est particulier, ce qui a bien fonctionné avec l’un ne sera pas forcément utile avec l’autre. À charge pour moi de sélectionner les bons outils et de les utiliser à bon escient en fonction de la personnalité de mes interlocuteurs et des sujets qu’ils abordent !

M.R.: Il y a-t-il des problématiques insolubles et comment en faire son deuil ?

J’aime à croire que rien n’est jamais « insoluble », cependant dans certains cas un coach professionnel n’est pas le bon interlocuteur : je pense à certaines problématiques qui devraient être plutôt travaillées avec un thérapeute par exemple. Dans d’autres circonstances, c’est le manque d’implication du client ou bien ses demandes contradictoires répétées qui indiqueront que la mission ne pourra pas aboutir : et là, on en revient à l’importance de la définition du cadre dans lequel va se dérouler la mission, de ce que la personne ou l’organisation attend de cet accompagnement en coaching et des critères selon lesquels elle envisage de mesurer la progression quant à l’objectif fixé.

Dans tous les cas, le coaching ne prétend pas répondre à toutes les interrogations ni à sceller des choix qui soient définitifs. Un dirigeant aura toujours des choix à faire concernant le développement ou le pilotage de son organisation ! Aussi, il est sain de continuer à s’interroger : cela autorise la remise en question et encourage l’adaptabilité – ce qui est devenu indispensable dans un contexte où les processus d’évolution sont si rapides qu’ils sont désormais nommés « ruptures ».

Le principal apport du coaching, c’est qu’il éclaire les individus et les organisations sur leur propre fonctionnement et qu’il leur offre l’opportunité d’adopter une autre façon de se poser les questions – et cette nouvelle façon d’alimenter les réflexions va perdurer au-delà du temps de l’accompagnement en coaching.

M.R.: Quels sont les auteurs favoris, sur quelles références professionnelles et non professionnelles vous appuyez-vous et pourquoi ?

La liste serait longue ! pour n’en citer que quelques-uns : je ne cesse de recommander la lecture du livre de Fred Kofman « l’entreprise consciente », qui a comme sous-titre « comment créer de la valeur sans oublier les valeurs ». Un véritable modèle de subtilité, d’humanité, d’exemples de collaboration gagnant-gagnant et de suggestions de procédés de communication efficaces ; ce livre représente pour moi LA référence en matière de management éclairé.

J’apprécie aussi les ouvrages qui évoquent la sociocratie et l’entreprise dite libérée, par exemple le livre de Philippe Delstanche « Vers un leadership solidaire ». Ainsi que la démarche de Yannick Roudault, auteur de « la Nouvelle Controverse » qui met l’accent sur l’intérêt de considérer le RIESE (Retour sur Investissement Économique, Social et Écologique) plutôt que de se contenter du simple ROI (Return on Investiment). Quant à John Whitmore, il figure parmi les pères fondateurs du coaching, dont il nous a transmis l’essentiel des principes notamment au travers de son ouvrage Coaching For Performance.

M.R.: Vous êtes une ancienne sportive et même un ancien entraîneur dans le domaine du tir à l’arc. Dans le sport, le coaching est une pratique fréquente et importante. Peut-on comparer les pratiques ? Poussez-vous vos clients à chercher le meilleur d’eux-mêmes au prix d’importants efforts ? Et quels sont les efforts à consentir ?

La démarche est un peu comparable : définir ensemble un objectif SMART (Spécifique, Mesurable, Ambitieux, Réaliste et inscrit dans le Temps), capitaliser sur les points forts, identifier où se situent les points faibles, en comprendre les raisons, mettre en place un plan de progression vers l’objectif puis assurer le suivi des actions et de leurs résultats pour apporter les ajustements nécessaires. La particularité du coaching sportif est qu’il s’agit non seulement d’améliorer ses propres performances, mais aussi de les mettre en compétition avec les performances d’autres sportifs qui eux aussi sont fortement déterminés à donner le meilleur d’eux-mêmes… ce qui implique de prendre en compte la préparation mentale vers l’acceptation de la victoire – car remporter une victoire signifie aussi infliger une défaite au concurrent. Or, les préoccupations concernant une éventuelle défaite d’un concurrent sont généralement absentes des thématiques abordées en coaching professionnel.

L’importance des efforts à consentir est en adéquation avec l’ambition de l’objectif que l’on se fixe et l’enjeu auquel on le rattache…

Dans le domaine du sport, selon que l’on désire atteindre le niveau régional, national ou international, eh bien il faut mettre en face les moyens adaptés à cette ambition et donc adapter l’entraînement en fonction de cela.
Dans le domaine professionnel, il appartient au client de convenir avec son coach d’objectifs suffisamment ambitieux pour qu’ils soient motivants, et suffisamment réalistes pour qu’ils soient atteignables ! Quand le client manifeste de la curiosité et de l’intérêt, quand je constate des avancées nettes, alors je tente de saisir l’opportunité de l’emmener vers un objectif plus ambitieux, de lui faire franchir un pas de plus, de lui offrir la possibilité d’aller un cran plus loin.

Pour mon plus grand plaisir, je continue à offrir bénévolement mon expérience d’entraîneur dans le club que j’ai contribué à fonder en 2009 puis présidé pendant trois saisons.

M.R.: A quoi vous engage le secret professionnel ?

  • Le but principal de mes interventions est que le client conçoive et mette en œuvre un changement dans ses comportements.
    Pour que le client parvienne à cela, il est nécessaire qu’il s’implique.
    Pour qu’il s’implique, il doit se sentir libre de s’exprimer de façon authentique et sincère.
    Pour qu’il s’exprime avec authenticité, il doit savoir qu’il est en sécurité.
    Pour se sentir en sécurité, il doit y avoir une confiance réciproque.
    Pour se sentir en confiance : la confidentialité, le respect et l’intégrité sont essentiels.

Le code de déontologie pose de façon claire les limites et obligations du coach. En y souscrivant, je m’engage à une confidentialité absolue de la teneur des échanges, à une discrétion totale concernant les informations dont je serai amenée à prendre connaissance, à ne pas accepter de mission qui pourrait représenter un conflit d’intérêt.
Lorsqu’il s’agit d’un contrat tripartite, j’entretiens une relation commerciale avec le commanditaire et une relation de coaching avec le bénéficiaire : je rends compte au commanditaire concernant l’avancement de la mission, pas concernant le contenu des échanges.

Je veille également à garder discrète la relation professionnelle : si les clients souhaitent partager le fait qu’ils travaillent avec moi, c’est à eux de le dire, pas à moi de l’annoncer. Par exemple,  il m’arrive de collaborer avec des personnes que mon conjoint connaît aussi, et qu’il ne soit pas au courant de ma relation professionnelle avec ces personnes !

M.R.: Quels sont vos projets, vos aspirations…
Cette reconversion m’a permis de comprendre que, lorsque je ressens du plaisir dans mes occupations professionnelles, alors c’est un bon indicateur du fait que j’avance sur le bon chemin. Aussi, j’aspire à continuer à apprendre, à prendre du plaisir dans les interactions avec autrui et à pousser plus loin la professionnalisation de ma pratique. Cela se traduira sans doute par le fait de m’intéresser davantage aux neurosciences ou à la PNL, de franchir un cran de plus dans la certification ICF (qui comporte trois niveaux ACC, PCC et MCC), et pourquoi pas de publier d’autres ouvrages.

M.R.: Savez-vous ce que votre premier client est devenu ?
Oui ! Je ne remercierai jamais assez les tous premiers clients qui m’ont fait confiance à mes débuts. Le premier m’avait consultée sur un projet d’expatriation : il vient de rentrer d’un séjour de deux ans à Shanghai, porteur maintenant d’un nouveau projet professionnel en France.

Le 26/07/17
Questions de Marianne Rolot
Réponses rédigées par Claudine Deslandres

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